du "CIMETIÈRE MARIN" (12-18) | from "SEA CEMETERY" (12-18) |
Paul Valéry | trans. Alan Crosier |
............ ............ Ici venu, l'avenir est paresse. L'insecte net grate la sécheresse. Tout est brûlé, défait, reçu dans l'air À je ne sais quelle sévère essence ... La vie est vaste, étant ivre d'absence, Et l'amertume est douce, et l'esprit clair. Les morts cachés sont bien dans cette terre Qui les réchauffe et sèche leur mystère. Midi là-haut. Midi sans mouvement En soi se pense et convient à soi-même ... Tête complète et parfait diadème, Je suis en toi le secret changement. Tu n'as que moi pour contenir tes craintes! Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes Sont le défaut de ton grand diamant ... Mais dans leur nuit toute lourde de marbres, Un peuple vague aux racines des arbres A pris déjà ton parti lentement. Ils ont fondu dans une absence épaisse, L'argile rouge a bu la blanche espèce, Le don de vivre a passé dans les fleurs! Où sont des morts les phrases familières, L'art personnel, les âmes singulières? La larve file où se formaient des pleurs. Les cris aigus des filles chatouillées, Les yeux, les dents, les paupières mouillées, Le sein charmant qui joue avec le feu, Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent, Les derniers dons, les doigts qui les défendent, Tout va sous terre et rentre dans le jeu! Et vous, grande âme, espérez-vous un songe Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge Qu'aux yeux de chair l'onde et l'or font ici? Chanterez-vous quand serez vaporeuse? Allez! Tout fuit! Ma présence est poreuse, La sainte impatience meurt aussi! Maigre immortalité noire et dorée, Consolatrice affreusement laurée, Qui de la mort fais un sein maternel, Le beau mensonge et la pieuse ruse! Qui ne connaît, et qui ne les refuse, Ce crâne vide et ce rire éternel! ............ ............ |
............ ............ Arriving here, the future’s all at rest. The chaste cicada drily chirps its best, And all is burned, undone, and lost in air. Who knows to what harsh essence all is passed? Drunk with blessèd absence, Life is vast - The bitter, sweet; the mind is clear and bare. Hidden in their graves the dead fare well, No mysteries left, and warm in earth they dwell. Noon up there - the Noon that doesn’t drift Thinks only of itself, and won’t bow down. Your perfect head, your self-sufficient crown - But I, inside you, I’m the secret shift. You’ve only me as vessel for your fears! My doubts, regrets, and follies through the years - All these are flaws that mar your mighty gem! But in their dark and marble-laden night Beneath these roots are people, out of sight; Your sovereign unconcern is shared by them. To turgid absence they’re dissolved away, Their whitened bones engulfed in thick red clay, And flowers inherit now their gift of life! Where now are fled the dead souls’ special joys? Their simple turns of speech, and playful ploys? Where tears once glistened only worms are rife. Ah, tickled maidens’ penetrating cries! Those teeth, and limpid softly sparkling eyes; Beguiling, plucky breast that dares the flame, And yielding lips all cherry-bright with blood! Her fingers’ faint defence, her virgin bud - It’s all interred, re-entered in the game! And you, great Soul, have hopes you harbour still Of dreams, beyond this painted world of ill That waves and gold to eyes of flesh present? You think you’ll sing, when you’re a floating ghost? Go! Through me, all passes. Don’t you boast: No saintly fervour - Death’s omnipotent! Consoling, black and gold - gaunt and haunted Immortality, bizarrely vaunted! From death you’d fabricate a mother’s breast! Beautiful lie! A pious, empty trick! Who can’t see through this facile rhetoric? An empty skull’s macabre eternal jest! ............ ............ |
Orig. Copyright © Librairie Gallimard, Paris; Trans. Copyright © Alan Crosier 2003