LE BATEAU IVRE | HALF SEAS OVER | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Arthur Rimbaud | trans. James Kirkup (tanka) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentais plus tiré par les haleurs: Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands et de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais. Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus! Et les Péninsules démarrées Nont pas subi tohu-bohus plus triomphants. La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots! Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend; Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour! Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants: Je sais le soir, L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir! J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très-antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets! J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïs Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs! J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs! J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux D'hommes! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux! J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan! Des écroulements d'eau au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant! Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés de punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums! J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants. - Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant. Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux ... Presque île, balottant sur mes bords les querelles Et les fientes d’oiseaux clabotteurs aux yeux blonds. Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir à reculons! Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N’auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau; Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur; Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient couler à coups de trique Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs; Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets! J'ai vu des archipels sidéraux! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur: - Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur? - Mais, vrai, j'ai trop pleuré! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer: L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate! Ô que j'aille à la mer! Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai. Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons, Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons. |
war-dancing Redskins
Flemish grains, British cottons.
- In the tides’ crazy plashings
such wholesale shenanigans!
they call rollers of victims
to children than the pulp
seasick vomitings washed me,
of stars, lactescent, gorging
suddenly being dyed with
than all our lyres, the bitter
and currents. I know nightfall
I’ve seen the sun, low, tarnished
waves in the offing rolling
the eyes of the slowmotion seas,
I’ve followed, whole months on end,
luminescent feet able
bumped into them, confusing,
underneath the sea-horizons!
At the centre of dead calms
waves, skies aflame! Hideous
out of twisted limbs of trees!
- Foamings of flowers have rocked
the poles and the zones, the sea,
and there I would stay, just like
those brawlers with their blond eyes -
vessel under the hair of
Hanseatic windjammers
the reddening sky, that brings
with electric lunulae -
the ultramarine heavens'
the dense Maelstroms, eternal
I’ve seen archipelagos
in those depthless nights that you
Dawns are dire. All the moons
torpors. - O, now let my keel
where in the scented evenings
languors, O waves, I can no
the pontoons’ horrible eyes. |
Click here 5 for another translation of this poem.