from "ANDROMAQUE" - I.1 | from "ANDROMAQUE" - I.1 | ||||
Jean Racine | trans. Tim Chilcott | ||||
Scène 1 - ORESTE, PYLADE ORESTE Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle, Ma fortune va prendre une face nouvelle; Et déjà son courroux semble s'être adouci Depuis qu'elle a pris soin de nous rejoindre ici. Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes voeux si funeste Présenterait d'abord Pylade aux yeux d'Oreste? Qu'après plus de six mois que je t'avais perdu, A la cour de Pyrrhus tu me serais rendu? PYLADE J'en rends grâces au ciel qui, m'arrêtant sans cesse, Semblait m'avoir fermé le chemin de la Grèce Depuis le jour fatal que la fureur des eaux Presque aux yeux de l'épire écarta nos vaisseaux. Combien, dans cet exil, ai-je souffert d'alarmes! Combien à vos malheurs ai-je donné de larmes, Craignant toujours pour vous quelque nouveau danger Que ma triste amitié ne pouvait partager! Surtout je redoutais cette mélancolie Où j'ai vu si longtemps votre âme ensevelie. Je craignais que le ciel, par un cruel secours, Ne vous offrît la mort que vous cherchiez toujours. Mais je vous vois, Seigneur; et si j'ose le dire, Un destin plus heureux vous conduit en épire: Le pompeux appareil qui suit ici vos pas N'est point d'un malheureux qui cherche le trépas. ORESTE Hélas! qui peut savoir le destin qui m'amène? L'amour me fait ici chercher une inhumaine. Mais qui sait ce qu'il doit ordonner de mon sort, Et si je viens chercher ou la vie ou la mort? PYLADE Quoi? votre âme à l'amour en esclave asservie Se repose sur lui du soin de votre vie? Par quel charme, oubliant tant de tourments soufferts, Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses fers? Pensez-vous qu'Hermione, à Sparte inexorable, Vous prépare en épire un sort plus favorable? Honteux d'avoir poussé tant de voeux superflus, Vous l'abhorriez; enfin vous ne m'en parliez plus. Vous me trompiez, Seigneur. ORESTE
T'ai-je jamais caché mon coeur et mes désirs? Tu vis naître ma flamme et mes premiers soupirs. Enfin, quand Ménélas disposa de sa fille En faveur de Pyrrhus, vengeur de sa famille, Tu vis mon désespoir; et tu m'as vu depuis Traîner de mers en mers ma chaîne et mes ennuis. Je te vis à regret, en cet état funeste, Prêt à suivre partout le déplorable Oreste, Toujours de ma fureur interrompre le cours, Et de moi-même enfin me sauver tous les jours. Mais quand je me souvins que parmi tant d'alarmes Hermione à Pyrrhus prodiguait tous ses charmes, Tu sais de quel courroux mon coeur alors épris Voulut en l'oubliant punir tous ses mépris, Je fis croire et je crus ma victoire certaine; Je pris tous mes transports pour des transports de haine. Détestant ses rigueurs, rabaissant ses attraits, Je défiais ses yeux de me troubler jamais. Voilà comme je crus étouffer ma tendresse. ............ ............ | Scene 1 - ORESTES, PYLADES ORESTES Pylades, oh my dear, dear friend. You're here. My fortune has begun to change. At last its anger seems to be less fierce; It's taken pains to reunite us here. Who would have thought I'd find you - and so soon - And in a place so hostile to me now. To think that you've been lost for six long months, And now come back to me at Pyrrhus' court. PYLADES I thank the gods. They would not let me pass, And seemed to close the road to Greece - all since That fateful day when raging seas within The sight of Epirus made our ships part. I felt so anxious while I was away. I kept on grieving for your wretchedness, Afraid of some new danger facing you That my poor friendship could not share. But most of all, I feared that dark, sad mood In which I've seen your mind caught up so long. I was afraid the gods would cruelly help And let you have the death you've always sought. But you are here, my lord. And dare I say A brighter fortune brings you now to Epirus. The pomp and splendour of this retinue Do not suggest a man who wants to die. ORESTES Who can foretell where destiny may lead? Love for a cruel woman draws me here. And yet who knows what fate that love may bring Or if I come to find my life or death? PYLADES How can your mind be so enslaved by love To make the main care of your life of it? What spell could make you so forget its pain And once again agree to be its slave? Hermione in Sparta would not yield. You think she'll act more favourably in Epirus? Ashamed of making all those vows in vain, You came to loathe her, would not speak of her. You have deceived me. ORESTES
When did I hide my heart's desires from you? You saw my love at birth, the yearning so. When Menelaus gave his daughter's hand To Pyrrhus, who'd avenged his family, You witnessed my despair. You've seen me since, Dragging my chain of grief from sea to sea. In this dark mood, I saw you were prepared - Against my will - to stay with me throughout, To break up always all those fits of rage, And save me from myself each day. When I remembered, in that turmoil then, Hermione give Pyrrhus all her charms, You know the rage that overwhelmed my heart. I tried for vengeance by forgetting her. I made myself believe that I had won. I took each frenzy as a fit of hate. I damned her rigidness, disparaged all her charm, And challenged her to trouble me again. My tenderness was stifled, so I thought. ............ ............ |
Trans. Copyright © Tim Chilcott 2003