du "SOLEIL DE JADIS" | from "A LONG-GONE SUN" |
Claire Malroux | trans. Marilyn Hacker |
Non loin de l'ancienne boulangerie de mes grands-parents s'ouvre un espace un trou dans la mâchoire de la route où les maisons poussent de façon irrégulière mêlées de quelques rares boutiques d'artisans celle du cordier offrant la devanture la plus propice au rêve Au milieu de cet espace s'élève avec ses larges baies ses auvents son long toit comme si l'on se trouvait soudain transporté dans la campagne basque la villa de mon professeur de piano une demoiselle armée d'une baguette qui lui sert à battre la mesure ou le bout des doigts des élèves récalcitrants mais surtout à pointer sur la Méthode Rose les notes altérations ou tempi non respectés Un jour, je suis admise à jouer sur le piano à queue dressé près de la porte-fenêtre et mon reflet dans le bois poli m'éblouit Une autre fois, étant en retard pour le cours de solfège j'ai oublié de retirer mon tablier et apparais ainsi dans ma vérité parmi les impeccables petits-bourgeois que je côtoie le jeudi Je suis Cendrillon les notes restent dans ma gorge Je retrouve cette humiliation à mon arrivée à Paris quand mes compagnes m'accueillent aux cris de Hou! Hou! La Marseillaise! ce qui me mortifie Qu'aurait-ce été si j'avais été juive ? |
Not far from my grandparents' old bakery a space opens up a gap in the road's jaw where houses spring up in irregular rows mixed with a few craftsmen's shops the rope-maker's window was the one most likely to prompt my daydreams In the middle of that space there rises with its large windows, its awnings, its long roof as if one had been suddenly transported into the Basque countryside the villa of my piano teacher a maiden lady armed with a baton which she uses to beat the time or the fingertips of recalcitrant pupils but especially to indicate, in the Méthode Rose, false notes, missed key changes, sloppy timing One day I am allowed to play the grand piano which stands by the French windows and my reflection in its polished wood dazzles me Another time, late for the music class I forget to take off my apron and thus reveal my real self to the impeccable bourgeois children whom I only mix with on those Thursdays I'm Cinderella the scale's notes clog my throat I feel the same humiliation when I arrive in Paris and my new schoolmates greet me with jeers Hou! Listen to that southern accent! which mortifies me What would they have said if I'd been Jewish? |
Copyright © Claire Malroux 2000; Trans. copyright © Marilyn Hacker 2000 - publ. The Sheep Meadow Press, NY, USA
![]() |