LES ÉLÉPHANTS | THE ELEPHANTS |
Leconte de Lisle | trans. Stan Solomons |
Le sable rouge est comme une mer sans limite, Et qui flambe, muette, affaissée en son lit. Une ondulation immobile remplit L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite. Nulle vie et nul bruit. Tous les lions repus Dorment au fond de l'antre éloigné de cent lieues, Et la girafe boit dans les fontaines bleues, Là-bas, sous les dattiers des panthères connus. Pas un oiseau ne passe en fouettant de son aile L'air épais, où circule un immense soleil. Parfois quelque boa, chauffé dans son sommeil, Fait onduler son dos dont l'écaille étincelle. Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs. Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes, Lés éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes Vont au pays natal à travers les déserts. D'un point de l'horizon, comme des masses brunes, Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit, Pour ne point dévier du chemin le plus droit, Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes. Celui qui tient la tête est un vieux chef. Son corps Est gercé comme un tronc que le temps ronge et mine Sa tête est comme un roc, et l'arc de son échine Se voûte puissamment à ses moindres efforts. Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche, Il guide au but certain ses compagnons poudreux; Et, creusant par derrière un sillon sablonneux, Les pèlerins massifs suivent leur patriarche. L'oreille en éventail, la trompe entre les dents, Ils cheminent, l'oeil clos. Leur ventre bat et fume, Et leur sueur dans l'air embrasé monte en brume; Et bourdonnent autour mille insectes ardents. Mais qu'importent la soif et la mouche vorace, Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé? Ils rêvent en marchant du pays délaissé, Des forêts de figuiers où s'abrita leur race. Ils reverront le fleuve échappé des grands monts, Où nage en mugissant l'hippopotame énorme, Où, blanchis par la Lune et projetant leur forme, Ils descendaient pour boire en écrasant les joncs. Aussi, pleins de courage et de lenteur, ils passent Comme une ligne noire, au sable illimité Et le désert reprend son immobilité Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent. |
The desert sand is like a sea, Flaming, silent, slumped in its bed. And desert waves, immobile, spread To far horizons and infinity. No life, no sound, the lions slumber Within their lairs a hundred leagues afar; Giraffes from azure fountains drink, Beneath the date-palms panthers slink. No passing birds wing their way here. The air is dense, the heavy sun bears Down. Snakes drowse and sometimes Contort themselves in torpid dreams. The burning space sears the pellucid skies, And in the solitude all beasts lie Inert, save elephants, slow paced Journeying back towards their natal place From the far horizon, massive, huge They trudge, raising the dust. One can see Wending their ponderous way Great feet crushing down the dunes. At their very head an ancient form Wrinkled and eroded by the time His head a great rock and his spine Arches powerfully at his slightest effort. Never slowing, never hastening, they follow Dusty trunk to tail, each close in his wake, Leaving behind them a deep sandy furrow These massive pilgrims and their patriarch. Ears fanned wide, trunk curled and listening, But eyes closed, trusting, bellies rumbling In the burning air. Their scent and sweat rising While all around a thousand insects humming. Ignoring thirst and the voracious flies The sun smarting their black and wrinkled back Trudging and dreaming of that land far back With groves of fig tree sheltering their race. Back where the mountain rivers rush. Enormous hippos swim and swoon, Drinking their fill, trampling the rushes, Wallowing ecstatic in the silver moon. Slow and determined come the travellers A black line in that sand so limitless. Fading till they are but a blur, And all resumes its ancient stillness. |