LES NÉRÉIDES | THE NEREIDS |
Théophile Gautier | trans. Christopher Mulrooney |
J'ai dans ma chambre une aquarelle Bizarre, et d'un peintre avec qui Mètre et rime sont en querelle, - Théophile Kniatowski. Sur l'écume blanche qui frange Le manteau glauque de la mer Se groupent en bouquet étrange Trois nymphes, fleurs du gouffre amer. Comme des lis noyés, la houle Fait dans sa volute d'argent Danser leurs beaux corps qu'elle roule, Les élevant, les submergeant. Sur leurs têtes blondes, coiffées De pétoncles et de roseaux, Elles mêlent, coquettes fées, L'écrin et la flore des eaux. Vidant sa nacre, l'huître à perle Constelle de son blanc trésor Leur gorge, où le flot qui déferle Suspend d'autres perles encor. Et, jusqu'aux hanches soulevées Par le bras des Tritons nerveux, Elles luisent, d'azur lavées, Sous l'or vert de leurs longs cheveux. Plus bas, leur blancheur sous l'eau bleue Se glace, d'un visqueux frisson, Et le torse finit en queue, Moitié femme, moitié poisson. Mais qui regarde la nageoire Et les reins aux squameux replis, En voyant les bustes d'ivoire Par le baiser des mers polis? A l'horizon, - piquant mélange De fable et de réalité, - Paraît un vaisseau qui dérange Le choeur marin épouvanté. Son pavillon est tricolore; Son tuyau vomit la vapeur; Ses aubes fouettent l'eau sonore, Et les nymphes plongent de peur. Sans crainte elles suivaient par troupes Les trirèmes de l'Archipel, Et les dauphins, arquant leurs croupes, D'Arion attendaient l'appel. Mais le steam-boat avec ses roues, Comme Vulcain battant Vénus, Souffletterait leurs belles joues Et meurtrirait leurs membres nus. Adieu, fraîche mythologie! Le paquebot passe et, de loin, Croit voir sur la vague élargie Une culbute de marsouin. |
I have in my room a watercolour Bizarre, and by a painter with whom There is a quarrel between rhyme and metre. - Théophile Kniatowski. Upon the white foam that makes a fringe Unto the glaucous cloak of the sea Is gathered together a bouquet strange - Three nymphs, flowers of the bitter deep. Like lilies drowned, the very swell In its silver volute makes Dance each lovely body it rolls, It raises up, it undertakes. Upon their blonde heads, all arrayed With scallops and with water-reeds, They combine, coquettish fays, The jewel-box and the flora of seas. Emptying its pearl, the oyster Spangles with its treasure white Their throats, by the curling breaker With yet other pearls bedight. And, even to their hips upraised By Tritons’ arms filled with vigor They gleam, by the azure laved, Beneath their green and golden hair. Under the blue water their pale Flesh freezes, with a viscous twitch, And the torso ends in a tail, Half a woman, half a fish. But who at all looks at the fin And the loins with scaly folds, Taking busts of ivory in, Polished by the kiss of oceans? On the horizon - piquant blend Of fable and reality - Appears a vessel that upends The appalled choir of the sea. Its flag is in three colors brave, Its stack emits a vomit of steam; Its wheelblades lash the sounding wave And the nymphs dive fearfully. Boldly they had followed in troops The Archipelago’s triremes, And the dolphins, arching their croups, Awaited sad Arion’s screams. But the steamboat with its wheels, Like Vulcan beating Venus fair, Would slap upon their lovely cheeks And bruise all their limbs so bare. Goodbye, fresh mythology! The steamer passes and, afar, Spies upon the wave set free Porpoises in somersault. |
Trans. copyright © Christopher Mulrooney 2005