BÉNÉDICTION | BENEDICTION |
Charles Baudelaire | trans. James Kirkup - tanka |
Lorsque, par un décret des puissances suprêmes, Le Poète apparaît en ce monde ennuyé, Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié: " - Ah! que n’ai-je mis bas tout un noeud de vipères, Plutôt que de nourrir cette dérision! Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères Où mon ventre a conçu mon expiation! Puisque tu m’a choisie entre toutes les femmes Pour être le dégout de mon triste mari, Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes, Comme un billet d’amour, ce monstre rabougri, Je ferai rejaillir ta haine qui m’accable Sur l’instrument maudit de tes méchancetés, Et je tordrai si bien cet arbre misérable, Qu’il ne pourra pousser ses boutons empestés!" Elle ravale ainsi l’écume de sa haine, Et, ne comprenant pas les desseins éternels, Elle-même prépare au fond de la Gehenne Les bûchers consacrés aux crimes maternels. Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange, L’Enfant déshérité s’enivre de soleil, Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil. Il joue avec le vent, cause avec le nuage Et s’enivre en chantant du chemin de la croix; Et l’esprit qui le suit dans son pèlerinage Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois. Tous ceux qu’il veut aimer l’observant avec crainte, Ou bien, s’enhardissant de sa tranquillité, Cherchent à qui saura lui tirer une plainte, Et font sur lui l’essai de leur férocité. Dans le pain et le vin destinés à sa bouche Ils mêlent de la cendre avec d’impurs crachats; Avec hypocrisie ils jettent ce qui’il touche, Et s’accusent d’avoir mis leurs pieds dans ses pas. Sa femme va criant sur les places publiques: " - Puisqu’il me trouve assez belle pour m’adorer, Je ferai le métier des idoles antiques, Et comme elles je veux me faire redorer; Et je me soûlerai de nard, d’encens, de myrrhe, De génuflexions, de viandes et de vins, Pour savoir si je puis dans un coeur qui m’admire Usurper en riant les hommages divins! Et, quand je m’ennuirai de ces farces impies, Je poserai sur lui ma frêle et forte main; Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies, Sauront jusqu’à son coeur se frayer un chemin. Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite, J’arracherai ce coeur tout rouge de son sein, Et, pour rassasier ma bête favorite, Je le lui jetterai par terre avec dédain!" Vers le Ciel, où son oeil voit un trône splendide, Le poète serein lève ses bras pieux, Et les vastes éclairs de son esprit lucide Lui dérobent l’aspect des peuples furieux; " - Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance Comme un divin remède à nos impuretés Et comme la meilleure et la plus pure essence Qui prépare les forts aux saintes voluptés! Je sais que vous gardez une place au Poète Dans les rangs bienheureux des saintes Légions, Et que vous l’invitez à l’éternelle fête Des Trônes, des Vertus, des Dominations. Je sais que la douleur est la nobless unique Où ne mordront jamais la terre et les enfers, Et qu’il faut pour tresser ma couronne mystique Imposer tous les temps et tous les univers. Mais les bijoux perdus de l’antique Palmyre, Les métaux inconnus, les perles de la mer, Par votre main montés, ne pourraient pas suffire À ce beau diadème éblouissant et clair; Car il ne sera fait que de pure lumière, Puisée au foyer saint des rayons primitifs, Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière, Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs!" |
.......When by a decree of the eternal powers .......the Poet appears in this indifferent world and his horrified mother .......howls her blasphemies shaking her fists at God, who .......takes pity on her: "Ah! how I wish I had spawned a nest of vipers - not this .......abomination! Cursed be that night of transient .......thrills, when my belly conceived ay own penalty! - But since you have chosen me .......among all women to inflict this monster on .......my wretched husband, and since I cannot toss back in the flames, like some wretched .......letter of lost love this wizened monster, I shall .......cause your hatred that overwhelms me to rebound upon this cursed instrument .......of your depravities! I shall inflict my torments .......on this wretched twig so that it may not ever put forth its infected buds!" .......So she swallowed all the froth of her hatred, and .......not comprehending plans laid by the Eternal One, piles up on her Gehenna .......the funeral pyres reserved for crimes of mothers. .......And yet, following the invisible teachings of an Angel, the infant, .......disinherited, basks in the sun, and in all .......he eats and drinks he finds ambrosia and nectar, plays with the winds, talks with clouds .......and finds ecstasy singing the Way of the Cross. .......And following him in pilgrimage, the Spirit weeps tears of joy to see him .......happy as a bird. All those he would like to love .......look on him with fear, or, braving his gentleness try to tempt him to complain .......and practise on him trials of their cruelties. .......In the bread. and wine destined. for his mouth they mix ashes and poisonous spit - .......Hypocritical, they ruin all he touches .......and blame themselves for following in his footsteps. - His wife cries out against him: ......."As he adores me for my loveliness, I shall .......take up the trade of the ancient idols - I long to be adored as they are, .......and also, like them, be restored with leaves of gold! .......I shall treat myself to nard and incense and myrrh, genuflexions, meats and wines .......to see if I can, in a heart that adores me, .......laughingly usurp the homage due to the gods! - And when I weary of these .......impious farces I shall lay upon him my hand, .......both frail and strong, and my nails, like the harpies' claws, shall dig their path to his heart. .......I shall wrench away that nestling all a-quiver - .......¬his heart from his breast, cast it down upon the ground as a banquet for my pets!" .......To heaven, where he beholds rich thrones, the Poet, .......serene, lifts his arms - a vast radiance, his spirit, shields him from the wrath of men. ......."Bless you, my God, for granting me this suffering .......as a remedy divine for my impurities - ¬the best and. purest essence .......that prepares the strong for voluptuous heavens! .......I know you make room for poets in those blest ranks in the legions of the saints, .......and that you invite to your eternal banquet .......Thrones, Dominions and Virtues - I know well that pain is the only nobility, .......that neither earth nor hell shall ever overthrow, .......and thus in order to weave my mystic coronel all ages must be vanquished, .......all universes ... But all the lost jewels of .......Palmyra, metals still unknown, pearls that your hand raised up out of the oceans .......would never suffice to build this grand diadem, .......dazzlingly brilliant. - For it shall be created of pure light, drained from the blest .......heart of infernal primitive rays, the splendour .......of mortal eyes that are no more than vain mirrors of pitch-blank obscurities. |
Click here 1 for another translation of this poem.
Trans. Copyright © James Kirkup 2006