LE PALAIS DU TONNERRE | THE PALACE OF THUNDER | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Guillaume Apollinaire | trans. Christopher Mulrooney | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Par l'issue ouverte sur le boyau dans la craie En regardant la paroi adverse qui semble en nougat On voit à gauche et à droite fuir l'humide couloir désert Où meurt étendue une pelle à la face effrayante à deux yeux
Et le boyau s'en va couronné de craie semé de branches Comme un fantôme creux qui met du vide où il passe blanchâtre Et là-haut le toit est bleu et couvre bien le regard fermé par
Entre lesquelles il y a des morceaux de craie et des touffes
Comme on fait à la mémoire Des musettes bleues des casques bleus des cravates bleues des
Et il flotte parfois en l'air de vagues nuages de craie Sur la planche brillent des fusées détonateurs joyaux dorés à
Funambules qui attendent leur tour de passer sur les trajectoires Et font un ornement mince et élégant à cette demeure
Six lits couverts de riches manteaux bleus Sur le palais il y a un haut tumulus de craie Et des plaques de tôle ondulée Fleuve figé de ce domaine idéal Mais privé d'eau car ici il ne roule que le feu jailli de la mélinite Le parc aux fleurs de fulminate jaillit des trous penchés Tas de cloches aux doux sons des douilles rutilantes Sapins élégants et petits comme en un paysage japonais Le palais s'éclaire parfois d'une bougie à la flamme aussi petite
Petit palais où tout est neuf rien rien d'ancien Et où tout est précieux où tout le monde est vêtu comme un roi Une selle est dans un coin à cheval sur une caisse Un journal du jour traîne par terre Et cependant tout paraît vieux dans cette neuve demeure Si bien qu'on comprend que l'amour de l'antique Le goût de l'anticaille Soit venu aux hommes dès le temps des cavernes Tout y était si précieux et si neuf Tout y est si précieux et si neuf Qu'une chose plus ancienne ou qui a déjà servi y apparaît Plus précieuse Que ce qu'on a sous la main Dans ce palais souterrain creusé dans la craie si blanche et
Elles n'ont pas deux semaines Sont si vieilles et si usées dans ce palais qui semble antique
Et ce qui est surchargé d'ornements A besoin de vieillir pour avoir la beauté qu'on appelle antique Et qui est la noblesse la force l'ardeur l'âme l'usure De ce qui est neuf et qui sert Surtout si cela est simple simple Aussi simple que le petit palais du tonnerre |
Through the outlet which opens on the trench in the chalk Looking at the adverse side that seems made of nougat You see running left and right the damp bare gully Where has died a shovel with a frightful face with two regulation
And the trench goes on crowned with chalk sown with branches Like a hollow phantom that leaves a void where it passes palely And overhead the roof is blue and covers well the shut eyes with
Between which there are pieces of chalk and tufts of pine
Beside the outlet closed by a flimsy cloth of a kind which
As one does in memory Blue haversacks blue helmets blue ties blue tunics Pieces of sky cloth of purest memories And there float in the air sometîmes vague clouds of chalk On the planks gleam detonation rockets jewels gilded
Tightrope walkers waiting their turn to go upon trajectories And make a slim and elegant ornament of this subterranean
Six beds covered with rich blue mantles On the palace there is a high tumulus of chalk And sheets of corrugated iron Frozen river of this ideal domain But deprived of water for here nothîng flows but flung fire of
Heap of bells with sweet sounds of shining cartridges Pines elegant and small as in a Japanese landscape The palace is lit at times bv a candle with a flame as small as
Little palace where everything's new nothing nothing old And where everything's precious where everyone's dressed like
A daily paper lies along the ground And nevertheless everything looks old in this new dwelling So much that you understand the love of the ancient The taste for antiques Comes to men from the time of caves Everything there was so precious and so new Everything there is so precious and so new That a thing more ancient or which had already served appeared
Than what you have under your hand In this subterranean palace hollowed out in the chalk so white
They're not two weeks old Are so old and so worn in this palace that seems antique without
Nearest to what is called antique beauty And what is overburdened with ornaments Needs to age to have the beauty which is called antique And which is nobility strength ardor soul wear-and-tear Of what is new and which serves Above all if that is simple simple As simple as the little palace of thunder |